2) Quels peuvent être les apports spécifiques de la radio à l'école? (écoute et/ou production d'émission, forum téléphonique)

a)par rapport à l'expression orale

"Il y a toujours une discussion à l'issue de l'émission écoutée. Les enfants interviennent sur le sujet de l'émission, en discussion libre. On ne peut pas préparer l'écoute car on n'a pas les sujets des émissions à l'avance, donc le débat reste libre, mais parfois reste peu approfondi. Quand il s'agit d'un thème qui a été abordé en classe, on essaie de comparer, de se souvenir de ce que l'on avait fait. " ( entretien 3) C'est une occasion "sûre" de pouvoir organiser une discussion. Autrement dit, c'est un aspect pratique; la spécificité réside dans la régularité de la diffusion qui permet à l'enseignant de pouvoir compter sur ce support pour favoriser l'expression orale. "On enregistre en situation directe, on ne répète pas l'intégralité de l'émission, il y a juste une trame" (entretien 2) La démarche ici décrite me semble procéder d'une conduite d'activité particulière.

Sans affirmer qu'elle est spécifique à la radio, il me semble pouvoir avancer qu'on ne procède pas souvent ainsi en classe. En effet, il y a à la fois une préparation écrite de mots clés ( la trame) à partir desquels les enfants vont avoir à produire un discours. Il y a donc outre la reprise du travail fait en classe, un "plus", une création du message qui ne correspond qu'à la situation précise de la production de l'émission. L'enfant doit "se lancer", prendre un certain risque en improvisant à partir de la trame, tout en respectant des critères de qualité. C'est donc une autre façon de présenter le travail. Il s'agit bien de la spécificité du discours qui donne une certaine forme au contenu travaillé, qui appartient au moment où il est produit et ne pourrait pas être reproduit à l'identique à un autre moment. Coté apprentissage, il s'agit pour l'enfant d'être capable de s'exprimer clairement, correctement en fonction de critères qui s'établissent progressivement grâce à ce qu'eux - mêmes perçoivent en écoutant les émissions. "la pratique de l'écoute amène une espèce d'exigence au moment où on se retrouve devant le micro" (entretien 5) "Il peut se rendre compte qu'il est capable de faire des belles phrases. " (entretien 1) "Quand on se réécoute, les enfants s'expriment sur la qualité de la diction. "on te comprend pas bien, là" " (entretien 3) Il semble que la production d'émission donne un enjeu particulier à l'expression orale, elle semble devoir aux yeux des enseignants répondre à des critères de qualité qu'ils communiquent aux élèves.

Il y a une exigence dans l'aspect formel de la production. ( je rappelle ici l'expression utilisée dans l'entretien 1:"vitrine"). Il semblerait que la radio soit spécifiquement non seulement motivante par rapport à cette nécessité de qualité mais aussi une situation spécifique où cette qualité de l'expression orale peut être demandée et travaillée. En effet, on peut donc reformuler le message. Quand on s'adresse en direct à quelqu'un, pour modifier ce que l'on dit, il faut ajouter de la parole, essayer de commenter ce qui a été dit. Quand on enregistre, la séquence insatisfaisante est "effacée" et reformulée. C'est en cela qu'elle donne la possibilité d'être de qualité. "La pratique de l'écoute amène une espèce d'exigence au moment où on se retrouve devant le micro, ils se rendent compte eux - mêmes, ils se corrigent eux - mêmes, ils savent que si ils font du bruit avec une chaise, il faudra recommencer. Les autres font des commentaires, donnent des conseils: "approche toi du micro, ne bouge pas ta chaise, t'as bégayé, on ne te comprend pas... il faut que tu recommences... " (entretien 5) Ce qui parait intéressant ici, c'est la possibilité de retravailler en réécoutant, en reformulant pour améliorer effectivement l'expression orale, avec d'une part une situation qui exige une qualité, d'autre part une participation des enfants dans l'organisation de ce travail. Il y a construction mentale que les enfants se constituent et utilisent. Le fait de participer au forum donne une plus grande aisance, donne du répondant aux enfants. (entretien 1). L'enseignant pense ici que de faire du "direct téléphonique" développe une attitude particulière de la part des enfants. En effet, l'enfant doit à la fois dire ce qui a été préparé et pouvoir répondre, réagir à ce que lui demande l'animateur. Il doit donc analyser rapidement ce qui lui est dit et fournir une réponse cohérente.

b)par rapport à la communication.

"On est en communication, même si la réponse est différée. " (entretien 4) L'enseignant précise bien la particularité de cette communication.

J'ajouterai que la réponse ne revient souvent pas. C'est une situation de communication particulière dans la mesure où s'il y a bien écoute - réponse, production - audition, il n'y a pas d'échange en direct. La radio permet de se communiquer des résultats de recherches, des idées, de lancer des appels, à une échelle plus grande que la classe ou l'école. Elle permet de rapprocher des classes et des enseignants pour leur permettre d'échanger, de partager quelque chose. C'est un travail de langage, différent des autres car là on ne peut pas répéter, réexpliquer, il faut se faire bien comprendre du premier coup car il n'y a pas d'échange, les auditeurs ne peuvent pas demander de précisions. L'enseignante développe l'idée que le message échappe forcément au contrôle des producteurs et que c'est une raison qui rend nécessaire une certaine qualité de l'expression obligatoire et cela n'échappe pas à l'enfant lui - même. Cette qualité d'expression concerne autant la diction que la syntaxe. Puisque les enseignants constatent que les enfants sont à mêmes de définir de ce qui est "bien" ou "pas bien", il apparaît que les enfants, grâce à l'écoute et la production d'émissions se font une représentation mentale d'une bonne émission, se construisent des critères qui leur permettent de dire "c'était bien" "c'était pas bien" à l'écoute comme de "censurer " ce qui dans leur émission "ne passerait pas bien". Dans la situation de communication que représente la radio, il y a une exigence de qualité de l'expression que les enfants acceptent et intègrent. Ils vont d'emblée mobiliser leurs compétences pour essayer de fournir un discours qui correspond aux critères qu'ils se sont fixés. Et s'ils n'y parviennent pas d'emblée, ils acceptent de redire, refaire. C'est un travail de langage, différent des autres car là on ne peut pas répéter, réexpliquer, il faut se faire bien comprendre du premier coup car il n'y a pas d'échange, les auditeurs ne peuvent pas demander de précisions. (entretien 3). L'enseignante pointe là la situation particulière que vivent les enfants par la radio; l'échange ne se fait pas en présence physique du récepteur, alors que dans la classe, ou dans la plupart des échanges oraux, l'interlocuteur est en face, bien présent et prêt à réagir....

c) par rapport à la motivation des enfants (observation des enfants et questionnement auprès des enseignants sur leurs observations).

La possibilité offerte aux enfants de valoriser leur travail en le donnant à diffuser au delà des murs de l'école, ainsi que l'utilisation d'un support attractif peut jouer un rôle dans leur mobilisation. La participation que j'ai pu observer moi - même lors de différents enregistrements que j'ai dirigés me semble un aspect particulièrement positif. La question de la motivation des enfants n'apparaît pas clairement dans les entretiens 1, 2 et 3. Elle est un peu sous - entendue dans l'entretien 1, par le biais de l'enthousiasme des enfants en fonction du sujet proposé par l'enseignant et de leur déception possible par rapport au résultat. Il y a aussi le fait que les enfants débattent spontanément et volontiers des émissions entendues. J'ai pu, lors d'entretiens avec les élèves, constaté que l'intérêt suscité par les émissions était variable. Pour les plus jeunes, il reste lié très fortement au vécu de la classe.

Voici un exemple récent: Une de mes collègues, enseignante en maternelle avait réalisé une émission sur l'école d'autrefois, avec l' interview du grand - père d'un des élèves de la classe qui avait été à l'école dans le même lieu que son petit - fils. Malheureusement, la technique n'a pas suivi et l'enregistrement était inaudible... Il lui fallait donc réenregistrer une émission presque au pied levé. Prise par le temps, elle a pris au vol le sujet de "la galette des rois", sans pouvoir préparer. Les enfants ont parlé avec beaucoup de spontanéité de ce sujet. Avec un travail de montage, le résultat pouvait être diffusé. Les enfants qui ont écouté ont beaucoup aimé... Le sujet leur "parlait", le rythme de l'émission était enlevé... les plus jeunes aiment les thèmes accrovhés à leur vécu. En revanche, des enfants plus grands (CM) m'ont clairement signifié qu'ils préféraient une émission traitant un sujet qu'ils découvraient ainsi, et n'appréciaient guère quand plusieurs émissions traitaient de même question. En ce qui concerne la réalisation d'émissions, les enseignants de ce réseau s'accordent pour dire que les enfants sont enthousiastes quand ils produisent une émission. Je l'ai effectivement constaté même auprès d'enfants qui n'en avaient jamais fait. J'ai pu observer qu'autour de ce projet il y avait un enjeu d'aller au bout de la tâche, que les enfants déploient une persévérance surprenante et sont capables d'efforts étonnants. Je n'ai pas parlé de plaisir d'écoute ou de production lors des entretiens, et je me rappelle avoir remarqué à plusieurs reprises ce sentiment de satisfaction, de fierté même des enfants qui avaient à la fois une impatience fébrile en attendant la diffusion de leur émission et l'envie de recommencer. Dans l'écoute, ce qui leur plaît ou pas détermine aussi la qualité de leur écoute.

d) Par rapport aux apprentissages scolaires et aux compétences disciplinaires.

"Quand on se réécoute, les enfants s'expriment sur la qualité de diction, "on te comprend pas bien, là". (entretien 3) C'est un apprentissage particulier de l'expression orale et de mise en place de critères de qualité auprès des enfants qu'ils peuvent eux - mêmes mettre à l'épreuve.

La compréhension du message est souvent validée par l'enseignant. Ici, ce sont les enfants qui deviennent jurys. "J'enregistre les émissions qui ont plu aux enfants, ce qui me fait une banque de documents sonores pour mon coin écoute, ou pour réécouter quand on aborde le sujet en classe". entretien 3. L'idée du document sonore est à conserver et surtout à reprendre et exploiter en primaire. On ne trouve pas facilement de "documents sonores"; utiliser cette source pour un travail en classe me semble original. L'écrit, comme le fait remarquer l'enseignant de l'entretien 1, est souvent privilégié, notamment comme origine et support de documentation. Utiliser les renseignements contenus dans un enregistrement, même si on peut réécouter plusieurs fois, nécessite une attention, une compréhension et une capacité à synthétiser, à sélectionner l'information particulière. C'est une source de documents, de supports de travail différents, c'est comme un exposé fait par d'autres élèves que ceux de la classe. Et surtout, il s'agit d'abord d'un résultat de travail qui peut ensuite relancer une activité. "Je leur demande de se positionner quand l'occasion se présente, ce qui est en relation avec les I. O: l'élève doit savoir argumenter, justifier, questionner.... c'est une mise en situation de ces compétences.

"entretien 2 Cet enseignant pense que l'activité radio met en jeu des compétences cognitives et développe des facultés intellectuelles. "C'est parfois l'occasion d'une lecture ou d'activités en fonction de la réaction des enfants par rapport à l'émission. " L'écoute des émissions peut être le déclencheur d'autres activités d'apprentissages. Il y a peu d'occasions dans la classe de n'avoir qu'un support auditif. Le plus souvent, l'écoute seule se fait pour de la musique ou du chant. Il s'agit là de développer une aptitude tout à fait particulière de maintenir son attention et éventuellement de retenir des informations à partir d'un support uniquement auditif. On peut alors proposer des stratégies ( recours à la prise de notes ou enregistrement et nouvelle écoute) pour améliorer l'écoute. On lit ou on entend souvent que notre société privilégie largement l'image.Les enseignants font souvent le constat que les enfants ont beaucoup de difficultés à intégrer une consigne orale. C'est une façon de contrebalancer cela. Il est intéressant de faire remarquer aux enfants la difficulté de bien percevoir un message tout oral. On peut faire le pari que la radio, à condition d'être travaillée en ce sens, peut améliorer l'attention et les capacités d'analyse et de compréhension du message oral. "C'est un bon travail de la mémoire.. Il faut qu'ils retiennent des longs passages de l'histoire (la longueur dépendant des enfants) et qu'ils le restituent sans hésiter, sans relance de ma part." (entretien 3) C'est une dimension supplémentaire.

e) Par rapport à la place qui lui est donnée au sein des autres activités.

Pour certains enseignants, le sujet de l'émission produite est tiré de la vie de la classe. Pour d'autres, il est "apporté" spécialement pour l'occasion. Évidemment, ces deux démarches impliquent des pratiques et des enjeux différents. D'un côté, il s'agit d'une mise en valeur de quelque chose qui appartient à la vie interne de la classe. De l'autre, elle est une occasion de travailler sur quelque chose et en même temps objet d'un travail particulier.. Les enseignants l'envisagent la plupart du temps comme intégrée à d'autres moments de paroles ou d'écoute instituées dans la classe. Dans les différents entretiens, quand j'ai posé la question de l'amélioration de l'expression orale, les enseignants ont d'emblée fait référence aux autres moments de langage, comme si le choix d'écouter et de faire des émissions correspondait à un choix plus global. Les enseignants interrogés en entretien 1 et 2 s'accordent pour dire: "Mais s'il n'y a pas d'autres moments de parole, le fait de faire des émissions n'aura pas de réelle efficacité" (entretien 1. ) "Mais je pense que l'efficacité de l'activité radio, tant l'écoute que l'expression doit s'inscrire dans la globalité de différents moments de parole dans la classe: quoi de neuf, conseil, débat, exposés..." "Cette activité entre dans la logique d'une globalité de plusieurs moments de parole dans la classe. Elle est en liaison avec les autres moments de parole. Ce n'est qu'un outil, pas une fin en soi!" (entretien 2) La pratique de la radio prend son sens par rapport aux autres activités dans la classe autour de l'oral. C'est un moment de parole considéré comme important mais en étroite liaison avec tous les autres, tels que le Quoi de Neuf, les conseils, débats, exposés... Ce qui semble important ici pour les enseignants, c'est de multiplier les occasions de travailler la langue orale, ce qui suppose que l'efficacité de chaque activité d'oral dépend de sa résonance avec les autres. Je pense de plus que chaque activité développe des compétences particulières et que l'expression orale nécessite d'être travaillée sous tous ses aspects: aisance de parole, prise de parole, qualité de l'expression, argumentation, explicitation... mais aussi de jouer sur les fonctions du langage, d'autant plus que la prise en compte du récepteur est importante dans ce qui est développé... mais il s'agit là de la dimension de communication du langage oral.

f) Par rapport au rôle de l'enseignant, à sa tâche.

*) dans l'activité d'écoute:

" Il s'agit un peu d'une tribune libre" (entretien 1) "Les enfants interviennent en fin d'émission, en discussion libre."(entretien 3) L'enseignant s'efface, laisse les enfants réagir. L'objectif est de libérer la parole. "Je demande aux enfants ce qu'ils ont compris" (entretien 2) "Je leur demande de se positionner" (entretien 2) Dans ce cas, l'enseignant met des objectifs pédagogiques précis derrière cette activité. Il oriente l'expression orale vers les capacités intellectuelles des enfants. Il y a expression libre dans un premier temps, mais elle est récupérée, relancée, recadrée par rapport aux objectifs que se donne l'enseignant. "J'enregistre les émissions qui ont plu aux enfants "( entretien 3) L'enseignante se pose à la fois comme observatrice de la situation et comme personne ressource technique (enregistrement). On voit plus loin qu'il y a une intention pédagogique bien définie. Les émissions sont réutilisées "comme banque de documents sonores". La notion de plaisir est importante à relevée. En effet, cela ne correspond pas directement à un objectif dont on parle dans les instructions officielles!. L'enseignant se donne la possibilité d'être attentif à l'affectivité des enfants. Dans l'entretien 2, l'enseignant s'attache à légitimer l'activité en fonction de sa conformité aux instructions officielles: "Je leur demande de se positionner quand l'occasion se présente, ce qui est en relation avec les I. O: l'élève doit savoir argumenter, justifier, questionner.... c'est une mise en situation de ces compétences" (entretien 2) "C'est une occasion d'émettre et d'écouter, c'est une façon de mettre en place les compétences de langue orale des I. O. " (entretien 2) " Les enfants savent qu'on écoute la radio tous les mardis et jeudis, au même moment. Ce rituel est important" (entretien 3) Ici, l'enseignante pense qu'elle se doit de s'imposer une régularité quant à la fréquence de cette activité. Les trois enseignants interrogés n'envisagent d'ailleurs pas de faire écouter une fois de temps en temps les émissions. La spécificité de cette activité pour les enseignants semble se situer autour de l'aspect récurrent et sûr. Ici, c'est en terme d'efficacité que se pose la nécessité pour les enseignants d'intégrer la radio dans un projet sur l'année, à la fois pour la qualité d'écoute et les compétences développées. Les enseignants n'envisagent pas de rendre cette activité exceptionnelle. "Je suis là pour faire attendre le enfants, pour qu'ils attendent la fin de l'émission pour réagir. Puis j'organise la discussion en donnant la parole à tour de rôle, en étant garant que tous ceux qui veulent s'exprimer puissent le faire. " (entretien 3) "J'essaie de mettre les gamins dans des bonnes conditions d'écoute, les mettre en situation, et puis surtout j'écoute avec eux, je prends quelques notes, je prépare quelques questions; je pourrais leur demander aussi de prendre des notes, je n'y ai jamais pensé, et puis que cela soit un gamin qui pose des questions. " "Mais c'est gros un travail d'écoute, car il ne faut pas réagir tout de suite, sinon on perd une partie et on perd le fil. Il faut savoir attendre et débattre après". (entretien 5 ). Ces enseignantes pensent qu'elles ont un rôle très important par rapport à la qualité d'écoute des enfants. Elles pensent que leur propre attitude est inductrice et elles se donnent comme exigence d'avoir le comportement d'auditeur qu'elle demande aux enfants. Elles s'imposent une écoute active. Il est intéressant de préciser l'importance du comportement, des attitudes des enfants que nécessitent l'écoute et la production d'émission. L'enseignant ici ne donne pas l'information. Elle vient d'autres enfants, et d'autres enseignants. A la limite, l'enseignant découvre le plus souvent les émissions avec les enfants et même s'il la reçoit avec plus de critères pédagogiques que les enfants, il n'a pas de "bagage " de préparation et se donne ainsi la possibilité d'être plus ouvert à l'expression des enfants. Pensons au statut de la question pédagogique qui n'est pas une vraie question, puisque c'est celui qui pose la question qui possède la réponse. Là, l'enseignant se trouve d'avantage sur le même plan que l'enfant, même s'il n'y a pas égalité réelle: il découvre et accepte alors mieux de ne pas diriger l'expression des enfants dans une direction pré - définie que lui seul a établi à l'avance. Si dans l'entretien, l'enseignant reste très soucieux de l'utilisation pédagogique, ce n'est pas autour du contenu, mais autour de compétences plus générales. D'autre part, l'enseignant se fait "garant" de règles de vie, de respect de la parole autant dans l'écoute de l'émission et de la parole de ceux qui ont créé l'émission, qu'au sein de la classe. La radio est décrite comme un "rituel", elle est considérée comme une institution, et en tant que telle attendue, prévue par les enfants qui développent un comportement, une attitude en relation avec des règles. Ainsi, il y a efficacité due à la répétition de cette activité et développement d'une organisation particulière. Mais je pense que l'efficacité de l'activité radio, tant l'écoute que l'expression doit s'inscrire dans la globalité de différents moments de parole dans la classe: quoi de neuf, conseil, débat, exposés... (entretien 2) Il semble que l'efficacité de cette pratique dépende de sa place dans l'ensemble des activités de la classe. Les enseignants conçoivent le travail de la langue orale au travers de multiples activités rendant la richesse des situations dans lesquelles l'expression orale est utile. C'est dans un contexte général que la radio prend son sens. "Initiateur, moteur, relanceur ou laisser faire, aider seconder, se faire oublier, s'adapter... " ici, dans l'entretien 4, l'enseignant pense qu'il faut surtout une certaine capacité d'adaptation de sa part pour remplir son rôle. Il avance déjà cette idée plus haut: "Il faut savoir faire un trait sur ce qui a été prévu pour le reste de la journée."

**) dans la production.

Voici comment les enseignants qualifient leur rôle: "Quand il y a quelque chose qui accroche particulièrement en classe, je l'utilise pour faire une émission. La plupart du temps, je choisis une histoire que les enfants ont particulièrement aimée, qu'ils m'ont réclamé plusieurs fois. Je leur raconte pour qu'ils la sachent bien et qu'ils soient capables de la raconter à leur tour. (...) Ensuite, je fais une sélection de musiques, de comptines... et on sélectionne celles qui seront dans l'émission faite avec les enfants. "(entretien 3) "Il doit mettre en valeur la production des enfants, il est garant de la qualité technique, de la mise en forme, du respect du "conducteur" de l'émission. Il faut faire attention, car les enfants peuvent s'être investis énormément dans le projet et être très déçus du résultat. " (entretien 1) "La plupart du temps, c'est moi qui leur propose un concept d'émission et ils y adhèrent presque à chaque fois. (la décision se prend en conseil de coopérative. ) Pour l'instant, les enfants ne rapportent pas de sujets intéressants, enfin à mon sens. "(entretien 2) "Il est le garant du résultat, de la partie technique. Je suis toujours le secrétaire du scénario de l'émission. " (entretien 3) "- Je copie, je retranscris ce qu'ils veulent dire. Ce n'est pas eux qui écrivent. Je prépare un conducteur que les enfants collent dans leur cahier de lecture une semaine avant, et sa partie est surlignée. Au moment de l'enregistrement, j'interdis qu'ils lisent. - Je n'ai pas ce problème puisqu'ils ne sont pas lecteurs; je prends en notes ce qu'ils disent quand on prépare l'émission, et quand on enregistre, je leur redis." (entretien 5) Il y a un souci de qualité du produit fini, en raison de sa diffusion hors de la classe, vers un auditoire assez vaste. Il me semble que là, c'est vraiment l'enseignant qui y met un enjeu. Il se donne cet impératif soit par rapport aux enfants de la classe (respect du travail de l'enfant) soit par rapport aux auditeurs. Ainsi, il se sent seul compétent pour garantir une qualité technique et même de contenu et de "mise en scène " sonore. De plus, par rapport aux auditeurs, il ne conçoit pas de livrer un produit imparfait, peut- être justement parce qu'il se sent seul responsable... Plusieurs fois le mot de "garant" est mentionné par les enseignants quand ils qualifient leur rôle. Le choix de faire produire des émissions engage la responsabilité des enseignants. Cela engage leur responsabilité professionnelle et l'enseignant interrogé dans l'entretien 1 revient deux fois sur l'adéquation de cette activité par rapport aux instructions officielles: l'enseignant est garant des apprentissages. Il y aussi une responsabilité face aux enfants: on entraîne les enfants dans cette expérience et il serait malvenu qu'ils soient déçus du résultat (entretien 2) l'enseignant est garant de l'image de ce qui "sort" de l'école, responsable de la satisfaction ou de la déception des enfants producteurs mais aussi récepteurs comme il est précisé dans l'entretien 5. Certains enseignants ont pu constater une efficacité particulière auprès d'enfants en grosse difficulté scolaire (notamment des enfants scolarisés de façon épisodique, ou récente comme les enfants des "gens du voyage"). C'était en effet un moment très fort de participation et de reconnaissance de compétences de ces enfants pour qui l'oral primait sur toutes les autres activités. Certains enfants étaient capables d'une répartie, d'une aisance qui leur donnait une valeur aux yeux des autres enfants de la classe et qui les mettait en avant auprès des auditeurs. "Je demande aux élèves de ne rien faire d'autre pendant l'émission, ils peuvent juste prendre des notes. On se concentre pour l'émission. " entretien 2. Ici, l'enseignant pense que la qualité d'écoute et son efficacité réside principalement dans l'attitude des enfants, donc dans les conditions internes de la classe. L'enseignant voit donc son rôle comme essentiel dans la qualité d'écoute qui va être possible.

g) par rapport à la socialisation.

Ce qui me semble spécifique dans cette activité en ce qui concerne la socialisation, c'est essentiellement toute la dimension d'échange et d'ouverture sur l'extérieur qui est pointée par les enseignants interrogés. Comme dans d'autres situation de communication, il y a bien écoute de l'autre, respect de sa parole mais là, un plus existe en ce que l'autre n'est pas présent, pas connu. On apprend donc à s'intéresser à ce que peut apporter l'autre sans l'identifier, sans le côtoyer. On apprend à communiquer son travail en dehors de la classe.

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